Kachi-kachi yama : un conte à découvrir absolument

Une plongée au cœur du folklore nippon à travers la légende de la montagne Kachi-kachi

Vous adorez imaginer un autre monde et les fables vous transportent ? Laissez-moi vous emmener au pays du Soleil-Levant à travers le conte traditionnel japonais de Kachi-kachi yama également désigné sous le nom de « la légende de la montagne qui craque ». Ce mythe date de la période d’Edo. Il fait donc partie du folklore nippon depuis 300 ans. Je vous livrerai la version destinée à des oreilles adultes, considérée comme un peu violente. Une adaptation demeure nécessaire pour adoucir certains passages et mieux convenir aux plus jeunes. Cette histoire, ou mukashi-banashis, occupe une place particulièrement importante dans l’archipel. Elle reflète le subtil mélange entre tradition et modernité dont les Japonais conservent le secret. En effet, elle met en scène le populaire et ancestral tanuki tout en restant très présente dans le monde contemporain. Les Japonais continuent, en effet, à faire exister cette légende au sein même du mont Kachi-kachi. Vous avez certainement hâte d’en savoir davantage alors, laissez-moi vous conter cette fable qui vous emportera au cœur du Japon d’hier et d’aujourd’hui.

Kachi-kachi yama : une légende traditionnelle nipponne réservée aux adultes

Cette histoire nous plonge dans l’archipel d’antan et dans l’imaginaire de l’ère d’Edo. Le vil personnage du tanuki, raton laveur japonais, y occupe une place de choix. Il y dévoile ses plus sombres penchants.

La rencontre entre le tanuki et les vieux fermiers nippons

Sur une montagne paisible vivaient un grand-père, Ji-san, et une grand-mère, Ba-san. Ils cultivaient des pois mame. Le couple n’avait pu enfanter. De ce fait, ils se sentaient bien souvent seuls au monde. Par un matin ensoleillé, une jolie lapine leur rendit visite. Ils se prirent d’affection les uns pour les autres, tant et si bien que les deux paysans finirent par considérer leur belle invitée comme leur propre fille.

Chaque jour, à la tombée de la nuit, le vieil homme semait ses graines de pois et chaque fois un raton laveur, un tanuki, venait déterrer les plantations. La fureur du fermier grandissait à mesure qu’il voyait son travail réduit à néant à cause du maudit animal. Il réussit à le capturer et l’attacha avec une corde, puis dit à son épouse que la vilaine bête servirait à préparer de la soupe : du tanuki-jiru.

La face noire de l’ignoble tanuki

Le lendemain, le grand-père s’absenta pour se rendre au village. Tandis que la paysanne cuisinait des mochis, ou mitarashi dango, le tanuki ne cessa d’implorer son pardon. Elle se laissa gagner par un sentiment de pitié et le libéra. Bien mal lui en prit ! Celui-ci la tua. Comme il disposait de pouvoirs maléfiques, il revêtit ensuite l’apparence de la grand-mère, puis fit mijoter les restes de la pauvre femme dans un infect potage.

Le fermier rentra du village et se mit à table. Il pensait déguster son dîner avec son épouse, mais lorsqu’il termina son assiette, le tanuki retrouva sa forme originelle. Il dévoila son méfait au paysan et s’envola à vive allure. Le grand-père pétri de tristesse n’eut pas la force de chasser l’animal.

🚸 (Pour les enfants, le conteur occulte souvent cette partie de la légende. Il ne leur raconte pas que le raton laveur tue et fait cuire la vieille femme, mais explique que la vilaine bête donne un coup de pied à la grand-mère et s’enfuit…)

Les prémisses d’une vengeance bien organisée

Voyant son père adoptif si triste, la lapine décida de tendre un piège à l’horrible animal. Elle revêtit sa plus belle robe, se dirigea vers les champs avoisinants et se coucha sur l’herbe. Le tanuki ne tarda pas à pointer le bout de son museau. Elle lui demanda alors de l’aider à transporter des bûches, car elle n’arrivait pas à les soulever. L’animal, heureux de se rendre utile auprès de la lapine, chargea le fagot sur son dos.

La demoiselle en profita pour frotter un silex contre le bois. Le tanuki s’étonna du bruit qu’il entendit alors et questionna : 
« Qu’est-ce donc que cet étrange crépitement ? 
- C’est le chant des oiseaux et le son de la montagne qui craquelle », répondit la coquette. Finalement, le feu se déclencha et se répandit sur le corps du raton laveur qui hurla de douleur, lâcha les bûches enflammées et s’envola.

Une nouvelle malice de la petite coquette

Le lendemain, la lapine, sous un nouveau déguisement, prépara un onguent à base de piment et de soja. Pour attirer l’animal, elle chantait une douce mélodie tout en malaxant les différents ingrédients nécessaires à sa pommade. Le tanuki enchanté par la tendre voix s’approcha doucement d’elle et lui conta, plaintif, sa mésaventure de la veille. La malicieuse feignit de vouloir lui venir en aide. Elle lui proposa le baume tout juste confectionné pour soulager son dos brûlé. Le malheureux accepta de se faire soigner par l’adorable coquette. La demoiselle commença à appliquer sa préparation, mais, dès que le piquant entra en contact avec ses blessures, le raton laveur hurla de douleur et disparut. La lapine, d’ordinaire si agréable, ne put que s’en réjouir.

L’ultime ruse de la jolie lapine

Quelques jours après, la vilaine bête commença à se rétablir de ses blessures. Comme à son habitude, elle rôda à nouveau dans les environs et déterra même les semences du vieil homme. La lapine, déguisée différemment, se montra plus séduisante que jamais et invita l’animal à se rendre à la pêche. Elle lui promit une belle balade sur la rivière qui parcourait la montagne. Le tanuki ne put résister à une telle invitation. « Oh oui ! Allons naviguer et ramenons des poissons ! » dit-il avec joie. « Nous devons construire nos bateaux. Comme je suis légère, je fabriquerai le mien en bois, mais pour le vôtre, vous devriez utiliser de la boue épaisse, car vous pesez lourd » affirma la demoiselle. Le vilain s’exécuta.

Une revanche bien méritée

Lorsqu’ils commencèrent à voguer, l’embarcation du raton laveur se gorgea peu à peu d’eau, puis elle coula. Il supplia la lapine de venir le secourir. « Sauve-moi ! Sauve-moi ! Je me noie ! Je ne sais pas nager ! » cria-t-il. La jeune malicieuse n’en fit rien, mais s’approcha de lui et déclara avec fermeté : « Voici une bien jolie revanche pour le meurtre de la vieille dame ! »

Le tanuki périt au fond de la rivière et les habitants de la montagne retrouvèrent leur tranquillité. Le fermier, malgré la peine qui l’accablait encore, put retourner aux champs et y planter ses pois mame. L’horrible animal demeura un mauvais souvenir.

La montagne qui craque : le tanuki au cœur d’un conte omniprésent dans le Japon moderne

Les Japonais racontent encore cette légende à qui veut bien l’entendre. Ils ne la transmettent pas seulement oralement, ils continuent à la faire vivre au cœur du Japon.

L’existence du mont Kachi-kachi dans le Japon moderne

Le mont Kachi-kachi existe bel et bien, il se situe dans la région des 5 lacs près du plan d’eau Kawaguchiko, non loin du mont Fuji. Son nom lui vient du crépitement du bois lorsque celui-ci prend feu. En effet, en japonais, l’onomatopée « Kachi-kachi » évoque le bruit des craquements des brindilles enflammées. Son appellation provient donc directement d’un épisode de la légende. Yama signifiant simplement montagne.

Lieu très prisé, les habitants de l’archipel et les touristes s’y retrouvent nombreux. Le téléphérique panoramique aide à gravir les 1100 m de ce mont. Une vue imprenable sur le mont Fuji se dévoile au sommet.

Les adeptes de balades trouveront leur bonheur parmi les multiples chemins à emprunter. La cloche Tenjo se situe au bout de l’un d’eux. La tradition exige que les amoureux la fassent tinter le regard tourné vers le mont Fuji. Ils doivent simultanément exprimer un souhait. La légende veut que ce vœu se réalise.

Mont Kachi-kachi
Mont Kachi-kachu ©Kanpai

Les animations du mont Kachi-kachi dédiées au folklore nippon

Sur place, les nombreuses attractions en lien avec le mythe de la montagne qui craque contribuent à transmettre la tradition. Cela témoigne de l’attachement des Japonais à cette fable. Ainsi, un monument a été érigé à la mémoire d’Osamu Dazai au sommet du mont. En effet, cet écrivain japonais du XXe siècle a, entre autres, publié un livre sur le Kachi-kachi.

Au sommet, les visiteurs peuvent s’immerger dans un univers féerique. Le petit temple Usagi-jinja ou sanctuaire du lapin accueille tous ceux qui souhaitent se recueillir. Sinon, le Café des ratons laveurs, nommé ainsi en hommage au tanuki, offre de quoi se reposer et se restaurer. Les en-cas à y déguster renvoient directement à la légende ! Vous pouvez ainsi vous régaler de mitarashi dango, les mochis que prépare, dans le conte, la vieille femme avant de libérer le vilain animal.

Sanctuaire au lapin de Tokyo
Sanctuaire au lapin de Tokyo ©Kanpai

Un lieu féerique pour tous les enfants au cœur des montagnes japonaises

Après le téléphérique, les plus jeunes trouveront sur le mont Kachi-kachi de quoi passer un agréable moment. Ils peuvent par exemple s’essayer à un jeu d’adresse en lançant des kawarake. Ce sont des disques d’argiles en forme de mochis que les joueurs doivent jeter à travers un cercle de corde. Cela n’est pas si facile ! De plus, de nombreuses représentations de la lapine et du tanuki balisent les chemins pour le plus grand plaisir des enfants. Ils adorent prendre des clichés à côté de ces figurines grandeur nature.

u tanuki, attaqué par la lapine
Statue du tanuki, attaqué par la lapine ©Planète Maneki

Le tanuki, petit raton laveur nippon aux multiples facettes

Le tanuki rencontre une grande popularité auprès des Japonais, que ce soit dans le folklore nippon ou dans la vie quotidienne. Cette sorte de raton laveur, ou raccoon japonais, vit sur l’archipel. Mammifère canidé, il doit son nom à ses habitudes. En effet, cet animal sort surtout la nuit et part se terrer dès que le jour pointe. Tanu signifie se cacher en japonais.

Dans la coutume, le raccoon représente une bête farouche et malicieuse, capable de se transformer en humain pour échapper à ses prédateurs. À moins, qu’il n’use de ce don pour abuser les hommes et obtenir d’eux de la nourriture et un abri. Ce personnage mythologique, en plus de son pouvoir de métamorphose, possède le talent de créer des illusions pour tromper les autres.

Il n’apparaît pas sous son meilleur jour dans la légende que je vous ai contée. Mais, dans l’imaginaire nippon, il symbolise parfois la bonne fortune et tient à distance les problèmes.

Tanuki (IA)

Le tanuki, un animal omniprésent dans le Japon contemporain

Lorsqu’il évoque la richesse, les Japonais affectionnent le tanuki. Il occupe alors une place de choix dans leur quotidien. Ainsi, en plus de le doter d’un ventre proéminent, ils représentent l’animal avec un chapeau protégeant des difficultés, un verre de saké pour fêter les succès et un livre de comptes pour apporter la prospérité. On voit donc couramment à l’entrée des commerces japonais une statue à l’effigie de ce mammifère.

On le retrouve aussi, très fréquemment dans les mangas et les films d’animation. De manière générale, il y endosse le rôle d’un personnage espiègle et sympathique. Dans de rares occasions, il revêt le costume d’un être plus sombre. De nos jours, les Japonais font encore appel au tanuki pour expliquer les bruits mystérieux qui résonnent la nuit en forêt. En effet, la croyance, toujours vivace, veut que ces sons étranges proviennent de l’animal qui utiliserait son ventre comme tambour.

💡 Si vous avez apprécié le récit de Kachi-kachi yama, la fable de Bunbuku Chagama vous plaira certainement. Cet autre conte traditionnel met aussi en scène le tanuki. Sachez également que le folklore japonais regorge de figures mythologiques, n’hésitez pas à les découvrir ! Sinon, la légende japonaise des amants contrariés envoûtera ceux qui préfèrent les histoires d’amour. Quoi qu’il en soit, si vous voulez continuer à vous émerveiller des contes d’ici, d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui, parcourez sans retenue le blog de Revelo Mundum.

Delphine Mangin

Sources
Kachikachi-Yama – Japan folklore
Kachi Kachi Yama – Le site du Japon
Mont Kachi Kachi : visite autour du Mont Fuji — Planète maneki
Tanuki : Légendes, symbolisme et rôle dans le folklore japonais — Ryojin
Kachi Kachi Yama – Mogusa

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